Jacques Berque

Jacques Berque, né à Frenda le 4 juin 1910 et mort à Saint-Julien-en-Born le 27 juin 1995, est un sociologue et anthropologue orientaliste français.



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Islamologie - Islam - Orientaliste français - Collège de France - Naissance en 1910 - Décès en 1995

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  • (Berque 1957, p. 69). Jacques Berque est resté deux ans à Sirs... S'il note des changements, Jacques Berque recherche en particulier une structure villageoise... (source : books.google)
  • Le second texte de 1981 est la leçon de clôture de Jacques Berque au Collège de France où il a... Jacques Berque est l'auteur de très nombreux ouvrages..... ‎ Editions Plon - Mai 1996 - ISBN 2-259-00304-4 - Broché 14 x 22, 5 couverture... (source : livre-rare-book)
  • ... La traduction du Coran par Jacques Berque est abondamment annotée.... (La Bibliothèque spirituelle) – ISBN 2-226-07739-1.... (source : cltr.blogspot)

Jacques Berque, né à Frenda (Algérie) le 4 juin 1910 et mort à Saint-Julien-en-Born (Landes) le 27 juin 1995, est un sociologue et anthropologue orientaliste français. Il est en outre le père d'Augustin Berque, grand géographe, spécialiste du Japon et théoricien du paysage. Le père de Jacques Berque, Augustin[1] Berque, après avoir été administrateur en Algérie, finit directeur des Affaires musulmanes et des Territoires du Sud au Gouvernement Général.

Jacques Berque est titulaire de la chaire d'histoire sociale de l'Islam contemporain au Collège de France de 1956 à 1981 et membre de l'Académie de langue arabe du Caire depuis 1989.

Il est l'auteur de nombreuses traductions, dont celle du Coran et de Mémoires des deux rives, appréciées surtout pour la qualité de leur style. Il décrit l'utopie d'une «Andalousie», c'est-à-dire d'un monde arabe renouvelé, retrouvant à la fois ses racines classiques et sa capacité de faire preuve de tolérance et d'ouverture.

Biographie

Depuis 1934, Jacques Berque appartient à un corps extérieur des Affaires étrangères où il administre, comme civil, les tribus marocaines, côte à côte avec des officiers des Affaires autochtones. En 1935, il publie Le contrat pastoral à Sidi Aïssa[2], étude sur le contrat d'embauche d'un berger par un propriétaire de moutons. Outre le salaire en nature (engagement oral), Jacques Berque se penche sur la juridiction du prêt préalable (en général écrit), avance de fonds importante que le propriétaire ne peut refuser, mais que le berger est tenu de rembourser totalement s'il veut quitter sa charge.

À la fin de l'automne 1946, Jacques Berque rédige un rapport dans lequel il dénonce "la marche absurde", "l'aveuglement" et "l'inertie" du Protectorat marocain, rapport présenté le 1er mars 1947, qui lui vaut une mutation immédiate à un poste dans un coin reculé du Haut Atlas. Le rapport est lu par un certain nombre d'intellectuels et de militants de gauche, et commenté dans la Tribune des Nations.

En 1949, Jacques Berque étudie l'organisation d'un dispositif d'irrigation dans le Haut Atlas et le partage de l'eau entre plusieurs tribus. Il montre[3] que la règle de la distribution locale, "minutée comme un mécanisme d'horlogerie" selon ses termes, est fondée sur l'organisation sociale en groupes, sous-groupes et individus au sein de la tribu, et non pas sur la topologie des canaux dans l'optique d'une rationalité technico-économique (manœuvres et pertes d'eau).

Considérant la décision de bannissement du roi Mohamed V, contraint à l'exil le 20 août 1953, comme une faute politique majeure, Jacques Berque démissionne sur le champ de l'administration et part en Égypte comme expert international. Il est élu au Collège de France en 1956 et revient alors à Paris.

Durant un quart de siècle, il effectue un va-et-vient continuel entre Paris, où il enseigne, et les pays méditerranéens dont il étudie la sociologie et l'anthropologie des peuples. Il se retire dans une clairière des Landes en 1981, consacrant le reste de sa vie à l'écriture, à la méditation, ainsi qu'à de multiples prises de positions politiques comme intellectuel engagé.

Les textes politiques

Juste avant son décès, Jacques Berque prépare un ouvrage, Une cause jamais perdue. Pour une Méditerranée plurielle, qui rassemble la majorité de ses textes politiques, de 1956 à 1995[4]. Le livre sera publié chez Albin Michel en 1998. Des thème brûlants, tels que les rapports de l'islam et de l'islamisme, ou l'ouverture de l'Occident à un monde multiculturel, sont abordés. Les principaux titres de chapitre de Jacques Berque dans ce livre sont brièvement présentés ci-dessous.

Liberté pour le Maghreb

Dans l'introduction du livre, "D'où je venais", Jacques Berque se situe[5] :

«En analysant, longtemps après coup, mon itinéraire moral, je suppose que, sans la moindre illusion sur la malfaisance de forces socio-politiques dépassées, sur quoi se fondait notre établissement nord-africain, je gardais intacte ma foi dans une rencontre principale entre l'Orient et l'Occident, celle-là même qu'ingénieurs et officiers saint-simoniens avaient cherché en Égypte puis en Algérie, non sans résultats estimables.»

Dans Politique étrangère (1956, n°6, revue), France-Observateur (17 décembre 1987, Dossier n°9, table ronde La guerre d'Algérie et les chrétiens), Jacques Berque écrit[6] son désarroi face à la guerre d'Algérie.

Pour la Palestine

Au sein des intellectuels publiés chez Maspéro, la guerre des Six jours (1967) entraîne une scission entre un courant, autour de Jean-Paul Sartre, qui soutient Israël, et un courant, autour de Maxime Rodinson et Jacques Berque, qui soutient les Palestiniens. Dans Textes de documents du G. R. A. A. P. (1974, Éditions sociales), L'Humanité (5 octobre 1993), Révolution (novembre 1993), Jacques Berque exprime son inquiétude[7] et souligne la "grave dissymétrie" qui, selon lui, affecte l'échange entre la reconnaissance de l'État d'Israël par l'OLP et la reconnaissance de l'OLP uniquement, qui n'est pas un État, par Israël. Il rédige[8] :

«La résistance à l'occupant est un droit officiellement reconnu. L'aide à la résistance, de peuple à peuple, participe de lois non écrites qu'on ne peut indéfiniment éluder. Il existe en ce sens une jurisprudence mondiale...»

En 1994, dans Atlantica Littéraire, il estime que le partage de 1947 marqua, à l'époque, «l'incapacité (déjà) de l'ONU de trouver une conciliation». Il constate que la situation créée depuis 1967 a déplacé les limites prévues par cette décision, que Jérusalem, internationalisée, a été annexé par Israël en 1982. Il conclut[9] :

«Le retour à la légalité internationale comme à l'équité s'impose en la matière.»

Pour un islam de progrès

Dans Hérodote (janvier-mars 1985, revue éditée chez Maspéro), Le Monde diplomatique (novembre 1994), Géopolitique (été 1993, revue), Arabies (mars 1990, revue), Libération (jeudi 17 mai 1990), s'opposant à une lecture dogmatique et figée du Coran, Jacques Berque promeut[10] un islam de progrès ouvert sur la laïcité et la libération de la femme, au sens occidental du terme. Assumant, dans Esprit (octobre 1960, dialogue avec Louis Massignon) [11], sa substitution d'Héraclite à Abraham, légèrement provocateur, il termine son ouvrage Les Arabes d'hier à demain ainsi[12] :

«Si ces vues se réalisent, et que ne triomphent pas, chez lui et chez nous, les puissances de haine, alors l'Arabe, par et malgré le progrès matériel, par et malgré les fraternelles insurrections de l'âge de fer, aura noué avec nous un bon compagnonnage. Il aura scellé entre les Autres, le monde et lui-même, l'alliance dont il n'a pas oublié le goût. Et non plus celle d'Abraham al-Khalîl, "l'ami de Dieu". Mais celle d'Héraclite, l'ami des choses, et notre père commun.»

À propos de sa traduction du Coran, sans prendre au pied de la lettre des évocations qu'il considère comme des allégories, il précise[13] :

«L'interprétation, proposée ci-dessus, on s'en doute, n'est pas l'unique légitime. Comme l'ensemble des textes religieux, le Coran se prête à des exégèses multiples : large ou rigoureuse, traditionaliste ou réformiste, juridique ou mystique, etc. Celle des islamistes, qui fait grand tapage actuellement, procède moins d'un renouveau de la lecture que d'une mobilisation du religieux à des fins politiques.»

En France, Jacques Berque préconise la mise en place d'une commission consultative constituée de personnalités respectées, choisies sur le modèle d'une "choura" islamique, que le gouvernement interrogerait pour les créations de lieux de culte et la régulation des fonds venus de l'extérieur. Il préconise la création d'une faculté islamique[14] à Strasbourg (régime concordaire), sur le modèle de la faculté catholique et de la faculté protestante, pour former des imams, des cheikhs et des islamologues. Partageant les idées de son ancienne étudiante Ahlam Mosteghanemi, auteur de Algérie, femmes et écriture (1985) [15], il rédige :

«Sur ce point, on peut dire que le jugement d'un barbu actuellement démodé, Karl Marx, est juste : à savoir qu'on peut apprécier le niveau d'une société au statut de ses femmes.»

Les contraintes qu'il note relèvent plus, à ses yeux, d'une tradition que d'une lecture du Coran. Dans Libération (jeudi 17 mai 1990), soutenant selon son expression "cent ans de lutte dans le monde arabe", il prend position pour l'abrogation du voile.

Journal de la crise du Golfe

Président d'honneur des Amitiés franco-irakiennes, ami de plusieurs intellectuels irakiens, Jacques Berque voit s'effondrer[16] ses espoirs d'un islam laïc en Irak et d'une France, dans sa politique extérieure, ouverte sur le monde arabe[17] :

«Et en particulier elle a, depuis 1990 et la guerre du Golfe, abdiqué une politique à l'égard des Arabes et de l'Orient qu'elle menait pour le moins depuis François Ier. Mieux, le traité de Maastricht la replie sur une Europe nordique aux barrières hautaines ! Toujours un pas, elle ne serait plus que la vassale comblée d'un Saint-Empire germanique des banquiers...»

L'Algérie à nouveau

Dans Le Croquant (hiver 1994, revue, Lyon), L'Humanité (jeudi 30 mars 1995), Le Monde diplomatique (1994), Jacques Berque vit[18] ce qu'on nomme "l'interruption du processus électoral" comme la menace, selon son expression, de "perdre une seconde fois la guerre d'Algérie".

Un monde à refaire

Dans une série d'articles[19], Esprit (avril 1969, septembre 1970), Libération (jeudi 17 mai 1990), Révolution (novembre 1993), Panoramiques (janvier 1994), Atlantica littéraire (septembre 1994, revue[20]), Jacques Berque porte un regard critique sur le monde occidental, dont il estime que le développement technologique ne suffit pas à bâtir une culture, sur le risque de "médiévalisme", pour reprendre son mot, d'un Islam figé après la décolonisation. Dans Esprit (septembre 1970), il précise à Jean-Marie Domenach[21] :

«Pour ma part, je considère qu'aucune libération de l'un des termes : société/psychisme/pluralité mondiale, n'est envisageable sans la libération des deux autres. Nous sommes loin du compte. Or, pas de libération sociale sans libération du dedans, ou, si vous préférez, des passions. Fourier doit là-dessus compléter Marx. Et pas de libération sociale ou personnelle sans la mise en jeu de la variété du monde. La pluridimensionnalité de l'homme est elle-même le fondement de l'injonction de la pluriculturalité du monde.»

Il nomme de ses vœux le développement d'une société occidentale multiculturelle ouverte autour d'un espace méditerranéen reliant "les deux rives". Il termine son ouvrage[22] en écrivant, en juin 1995 :

«Il n'est d'histoire véritable que par la mémoire et le projet. Certains cadres géographiques s'y prêtent spécifiquement. C'est le cas de la Méditerranée. Ses deux rives se renvoient de longue date un double message de civilisation, l'arabo-islamique et le gréco-latin, l'un et l'autre s'articulant tour à tour et conjointement sur le mode religieux et sur le mode profane. Pourvu que nous y veillons, il y a peu de chance que ce message s'éteigne de sitôt. Il peut toujours renforcer ses expressions scindées par leur interférence mutuelle. Il peut conjuguer le passé qu'il porte et l'avenir qu'agitent ses militants. Un avenir qui n'a pas à s'effarer de reposer sur tellement de conflits. Pas plus que l'Espagne ne peut faire actuellement abstraction de ces Maures qu'elle croyait avoir bannis une fois pour toutes, la rive sud libérée ne le fera du regard de cet Autre qui, témoin de son passé à elle , l'aura si ardemment vécu. Et qu'ils aient toujours énormément à témoigner l'un sur l'autre.»

Citation

Notes

  1. Augustin aussi, ce n'est pas une coquille.
  2. Jacques Berque, Le contrat pastoral à Sidi Aïssa, Revue Africaine, 1936, pp. 899-911. Texte repris dans De l'Euphrate à l'Atlas, vol. 1, Espaces et moments, pp. 225-235, éditions Sindbad (1 janvier 1999). ISBN 2727400284 ISBN 978-2727400288
  3. Idem, pp. 245-273.
  4. Jacques Berque, Une cause jamais perdue. Pour une Méditerranée plurielle, textes politiques (1956-1995), éditions Albin Michel (1998). ISBN 2-226-10620-0
  5. Idem, p. 10.
  6. Idem, pp. 15-40.
  7. Idem, pp. 41-57 et pp. 273-280.
  8. Idem, p. 48.
  9. Idem, p. 294.
  10. Idem, pp. 58-82.
  11. Idem, p. 185 et note de bas de page.
  12. Jacques Berque, Les Arabes d'hier à demain, éditions du Seuil, 1959. Cett citation ne figure plus dans réédition sous le titre Les Arabes, aux éditions Actes Sud, 1999. ISBN 2742709231 ISBN 978-2742709236
  13. Une cause jamais perdue... , p. 73.
  14. Cette faculté serait associée à une vieille faculté musulmane telle que Al-Azar du Caire.
  15. Ahlam Mosteghanemi, Algérie, femmes et écriture, préface de Jacques Berque (1985), réédition l'Harmattan (2000). ISBN 2858025061, ISBN 978-2858025060
  16. Une cause jamais perdue... , pp. 111-128.
  17. Idem, p. 73.
  18. Idem, pp. 129-146.
  19. Idem, pp. 223-298.
  20. Éditions Atlantica [1]
  21. Une cause jamais perdue... , p. 144.
  22. Idem, pp. 305-306.

Bibliographie

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